CAPITAL
ET GEMEINWESEN
III
- LES DIFFÉRENTES
PÉRIODES DE
LA FORME CAPITALISTE
«Si le travail libre et son
échange
contre l'argent afin de reproduire et de valoriser
l'argent, afin d'être consommé par
l'argent comme valeur d'usage non en vue
de la jouissance,
mais
comme valeur
d'usage pour
l'argent est une
présupposition du
travail
salarié et une
des
conditions historiques du
capital (K. Marx définit ici d'une façon extraordinairement
concise ce qu'est le procès de travail et celui
de valorisation avec prédominance
de ce dernier sur le premier, ce qui a été vu dans le VIème chapitre, n.d.r.), la
séparation du travail libre des conditions objectives de sa réalisation - de l'outίl
et du matériel de travail (la matière première) -
en
représente une autre. Donc, avant tout, séparation
du travailleur de la terre, son laboratoire naturel, d'où
dissolution aussi bien
de la petite
propriété foncière
libre que de la propriété
foncière
collective basée sur la commune orientale».
(Fondements,
t. 1, p.
435, Grundrisse, p. 375). Ι1
s'agit
donc d'examiner
comment s'effectue la dissolution de
ces formes
de propriété οu
plus exactement de ces formes d'appropriation
du produit; comment les divers rapports
sociaux sont détruits,
ce qui permet
l'apparition du capital. K. Marx a
analysé
cela dans
un chapitre des
Grundrisse: «Les
formes
qui précèdent la production capitaliste». Ι1
considère ces transformations dans les modes de
production suivants:
1.
Communisme
primitif,
2.
Les formes issues de celui-ci: antique, germanique,
asiatiques [1]
3.
Le
féodalisme,
4. Le capitalisme.
Ι1
nous faut
donc voir comment le capital réalise pleinement la
production du travailleur libre, et comment i1 domine
celui-ci. Avant de
poursuivre, il nous faut remarquer que, si dans
l'analyse de la valeur
apparaît en relief le phénomène de l'autonoιrίsation - une des
conditions
essentielles de
1a naissance
du capital -
ici, dans
l'étude de la séparation du travailleur
de sa communauté et de ses conditions de travail, prédomine le
phénomène d'expropriation.
Les deux
vont ensuίte se fusionner,
s'intégrer, devenir
le moteur
du capital.
C'est pourquoi
dans tout ce qui suit
nous
essaierons de mettre en
évidence le mouvement d'expropriation
et d'autonomisation au
travers duque1
s'exprime la vie du capital, au sein duquel i1 trouve son développement
ultime. Ce mouvement s'exprime d'autre part
dans la
contradiction fondamentale:
valorisation-dévalorisation
que nous
avons vue se manifester
dès l'origine du capital, dès ses premières manifestations, parce qu'elle est
incluse en lui.
Dans le VIème Chapitre, Marx
poursuit
ce travail
de pérίodisation en décrivant les deux phases
du développement social
du capitalisme et montre
comment la
contradiction indiquée
plus haut
se développe pour
finalement
masquer
toutes les autres et devenir la contradiction
fondamentale.
A
-
SOUMISSION FORMELLE DU
TRAVAIL
AU CAPITAL
Ι1
analyse comment le mode de production capitaliste
surgit dans
le vieux mode féodal;
comment il est d'abord
prisonnier de celui-ci, puis, comment en s'assujettissant le procès de
production immédiat, i1 s'impose à son adversaire. Ce moment
(passage) a été noté dans le
Capital dans
1a section III (cf. L.
Ι,
t.
1,
p. 191). «Dès qu'elle se présente non
plus
simplement comme unité du travail
utile et du travail
créateur
de valeur,
mais
comme unité du travail
utile et du travail
créateur
de plus-value,
la production marchande
devient
production capitaliste».[2]
Mais c'est dans le VIème chapitre qu'il est défini de façon catégorique: «Le procès de
travail devient le moyen du procès de valorisation du capital, du
procès d'autovalorisation du capital, de la fabrication de 1a plus-value. Le procès de travail est soumis (subsumiert) au capital (il
est son propre procès), et le capitaliste entre comme dirigeant en chef dans le procès, il est aussi, immédiatement, le procès
d'exploitation du
travail d'autrui. Voilà ce que j'appelle la soumission (subsumtion) formelle du travail au capital. C'est la forme générale
de
tout procès de production capitaliste, mais elle est en même temps une forme particullère à côté de la forme développée du mode de production spécifiquement capitaliste parce que la dernière implique la première, mais la première n'implique
en aucun cas nécessairement la
dernière.
Le procès de production est devenu le procès du capital
lui-même. C'est un procès qui procède
avec les éléments du procès de
travail en lesquels l'argent du capitaliste
s'est transformé; il procède sous sa direction dans le but de faire avec de
l'argent davantage d'argent.»
(pp. 191-92).
Cette
soumission formelle est liée à 1a
production de plus-value absolue. Au fond le capitalisme s'est
simplement assujetti le travailleur et le fait travailler pour son propre compte. «Lorsque nous avons considéré, à l'origine, le passage de la valeur au capital, le procès
de
travail était simplement adopté par le
capital... » (Fondements, t. 2, p.
210). Le
capitaliste ne peut obtenir plus de valeur qu'en allongeant la journée de travail. Ι1
n'a pas encore bouleversé la base même de la
société. Ι1
n'a fait que se substituer à un autre exploiteur. Domination formelle donc, avec
l'élément essentiel suivant: d'entrée le capitalisme se
distingue des
autres modes de production en ce sens qu'il ne repose pas simplement sur une appropriation de plus-value, mais sur la création de celle-ci.
K.
Marx montre en détail comment des changements quantitatifs dans divers
secteurs de 1a vie sociale provoquent des changements qualitatifs, mais on est toujours sur la base de la production marchande.
Β -
SOUMISSION RÉELLE
DU TRAVAIL
AU CAPITAL
1
-
Caractéristiques générales
«La
caractéristique
générale
de la soumission formelle y subsiste, à savoir la subordination
directe du procès
de travail au capital, quelle que soit la technique qui s'y exerce. Mais sur cette base νa
s'éléver un mode de production capitaliste
technologique
et spécifique
qui
modifiera la nature réelle du procès de travail et ses conditions réelles. Ce
n'est qu'à partir du moment où ce mode de
production entre en action que se produit la soumission réelle du travail
au capital.» (VIème, p. 216).
Cette
nouvelle soumission suppose une «révolution compléte (qui se poursuit et se renouvelle
constamment) dans
le mode
de
produire, dans la productivité du travail et dans
les rapports
capitaliste-ouvrier». (VIème,
p. 218).
Elle est fondée sur la production de
plus-value relative
et non plus absolue: «De même qu'on peut
considérer la production de plus-value absolue comme expression
matérielle de
la soumission formelle du travail au capital, on peut de même considérer la production
de plus-value relative
comme expression matérielle
de la soumission réelle
du travail
au capital».
«En
tous cas, les deux formes de la plus-value - absolue et relative -
si on
les considère chacune dans leur existence séparée - la plus-value absolue
précédant toujours la plus-value relative
- sont deux formes
séparées de la soumission
du travail
au capital, deux
formes séparées de la production capitaliste dont
la première constitue toujours le
précurseur de l'autre quoique la seconde, la plus développée, puisse
constituer à nouveau la base pour
l'introduction de la première dans des branches de production nouvelles.»
(VIème, p. 201).
C'est
ce qui est dit, mais d'une autre façon, dans le premier livre du Capital, section V: «La production
de la plus-value absolue n'affecte que la durée du travail, la production de
plus-value relative
transforme entièrement les procès
techniques et les combinaisons sociale. Elle se développe donc avec le mode de
production capitaliste proprement dit.» (t. 2, ρ.
184). Cette section vient immédiatement après celle
concernant la plus-value relative. K. Marx
fait
une synthèse de
ce qu'il a développé
à propos de
la plus-value dans
toutes les formes
sociales où elle s'est manifestée puis, comme nous
l'avons déjà fait remarquer,
il indique, sans les nommer les périodes de
soumission formelle et réelle au capital
ainsi
que le passage de
l'une à l'autre, Enfin, il expose: «Les
variations dans
le rapport
de
grandeur entre la plus- value et la valeur de la force dé travail ». (Ceci explique
le titre de la section: Nouvelles
recherches
sur la plus-value, il
s'agit en effet de savoir comment se présente
la plus-value
en domination réelle du capital sur le travail). K. Μarκ
envisage
trois cas. Dans
l'Abaque, nous les avons ordonnés d'une façon inverse à celle dont ils
sont exposés. Le 3°
cas (1° de K. Marx)
variation
de la production en
fonction de la
productivité du travail, est celui
qui se réalise sous la domination réelle
du capital; les
deus autres sont
surtout "operants" en
domination
formelle. C'est pourquoi
nous pensons
que la place
du VIème
chapitre,
s'il avait
été publié incorporé au reste
de l'oeuvre, eût été dans
cette V°
section, d'autant plus que dans cette dernière K. Marx est appelé à traiter du travail
productif et improductif
longuement etudié dans le
VIème chapitre. Le lien entre les deux sujets
est absolument
logique, car, pour
le capital, ce qui
est intéressant, ce n'est pas n'importe quel travail, mais uniquement celui
créateur de plus-value.
Un
autre argument en faveur de cette hypothèse est que le sujet de la
section suivante
est le
salaire.
K.
Marx analyse ensuite le lien entre les
deux moments (étudiés, au fond, comme nous l'avons dit, dans les sections IV et V du
premier livre). Ιl
met en évidence la tendance
immanente
du capital: «Production pour 1a production -
production
but en soi, c'est
certes déjà le cas lorsque le
travail est
soumis formellement au capital, sitôt
qu'en général le but immédiat de la production est de produire une plus-value
aussi grande et nombreuse que possible et qu'en
général la valeur
d'échange du produit
devient le but décisif.
Cependant cette tendance immanente au rapport capitaliste se
réalise seulement d'une
manière
adéquate et devient
une condition nécessaire technologique, dès que le mode de production
specifίquement
capitaliste
s'est développé et,
avec lui, la soumission réelle du travail au capital (VIème,
pp.
221-22).
De la découlent:
a)
Définition
du capitalisme
Elle
intègre les deux précédentes liées à la
production et à la circulation en tant que moments particuliers du devenir
capitaliste.
«Cependant le caractère négatif οu
contradictoire, c'est la production
en opposition
aux producteurs et sans soucis d'eux. Le producteur effectif en tant que
moyen de
production, la richesse réifiée
(sachliche) en tant que
but en soi. Et
le
développement
de cette
richesse réifiée en contradiction avec et aux dépens
de
l'individu humain.» (VIème, p.
222).
b)
Loi du capitalisme
«Productivité
du
travail =
maximum de produits avec un minimum de travail... »
(VIème, p.
222). «Dans
ce procès, la quantité de
travail
nécessaire
à la production d'un
objet déterminé
est, en effet,
réduit au minimum,
afin
uniquement qu'un maximum
de travail valorise un maximum
de tels objets.» (Fondements,
t. 2, ρ.
217).
c)
Domaine
d'application de la loi
«
L'échelle de la production n'est plus limitée par des besoins
donnés,
mais au
contraire la masse des produits est
déterminée par l'échelle de la production toujours
croissante et prescrite
par le mode de production lui-même.» (Ibid., ρ.
222).
d)
But
«
.., que
le produit particulier etc... contienne
le plus possible de travail non payé, ce
qui ne peut
être atteint
qu' avec la production pour la
production. » (Ibid., ρ.
222).
«Cette
tendance à réduire le coût
de production à son minimum
devient le levier le plus puissant en vue d'accroître la force productive sociale
du travail.» (Le Capital, L. III, t. 8, p. 225) [3]
e)
Modifications de la loi de la valeur
«Ceci se pose, d'un
côté,
en
tant
que loi dans 1a mesure
où le capitaliste
qui produit à une échelle plus réduite incorporerait
dans les
produits plus que le temps
socialement
nécessaire.
Cela
pose donc
une utilisation adéquate
de la loi de 1a valeur qui ne se
développe complètement que sur la
base du mode de production capitaliste.» (VIème,
pp. 222-23)
K. Marx indique ici le moment où il y
a encore soumission formelle.
Puis
le capital tend
à dominer la
loi
de 1a
valeur, à
l'exploiter à son
avantage: «Cela pose, d'autre part, la
tendance
du capitaliste
individuel à abaisser la valeur
individuelle de sa marchandise au-dessous
de sa valeur
socialement déterminée,
afin de briser cette loi ou de
la faire jouer à son
avantage.» (Ibid., p.
23). Nous retrouvons la dévalorisation dont nous avons déjà parlé. Elle résulte ici de l'antagonisme entre capital social, capital en général, et les capitaux particuliers. La dynamique de la valeur en procès, de la valeur se valorisant, a son aspect négatif: la dévalorisation. C'est tout le mécanisme expliqué dans le ΙΙΙ° livre de Le Capital,
auquel nous avons déjà fait
allusion: la transformation de la valeur en prix de production. Se trouve aussi incluse, de façon potentielle, la
loi de la baisse tendancielle du taux de profit. Cependant, avant d'analyser tous ces développements, il nous faut revenir sur les caractères de la domination réelle du capital
sur le travail et les conséquences qu'elle implique.
2
- Le Capital fixe
et domination réelle du Capital
En
période de domination formelle, le procès de travail a une grande importance parallélement à celui de
valorisation. Le capital domine le prolétariat et sa
domination elle-même est celle du capital variable. Le capital avait intérêt à utiliser le maximum d'ouvriers pour obtenir le maximum de plus-value. D'autre part l'ancienne conception où l'homme est le but de la production n'avait pas
encore été totalement supplantée par celle du capitalisme;
elle colora les théories des premiers économistes du capital, tel Adam Smίth. C'est
le moment où l'homme tout en n'étant plus le but de la production demeure un élément
déterminant de
celle-ci. C'est
aussi pourquoi nous avons la
période où le prolétariat est numériquement la couche la plus importante (exemple: l'Angleterre au début du siécle dernier).
Lorsqu'on
passe en période de
domination réelle, c'est
le capital fixe qui devient l'élément essentiel: «Dans la
production du capital fixe, le capital se pose comme fin en soi.»
(Fondements, t.
2, ρ.
228). Dans le VIèmeChapitre, K. Marx
écrit: «Les
moyens de production n'ont plus qu'une seule
fonction, aspirer 1a quantité la plus grande de travail vivant ». [4] «La faculté qu'a
le travail objectivé
(c'est-à-dire travail en tant que créateur de valeur) de transformer les moyens de production en moyens de commander et d'exploiter le travail vivant apparaîf
inhérent aux moyens de production en soi et pour
soi.»
Ceci est possible par «l'application
de la science, ce produit général du développement social au procès de production immédiat.»
Le
capitalisme se présente comme exploitant l'ensemble des générations humaines passées
et présentes et cherchant à se garantir
l'exploitation des
générations futures.
Dans les Fondements, K. Marx
analyse le phénomène en détail: «L'accroissement de la force productive du travail et la négation toujours plus grande du travail nécessaire constituent, comme nous l'avons vu, la tendance nécessaire du capital. L'effectuation de
cette tendance c'est la transformation du moyen de travail en machinerie. Dans celle-ci, le travail objectivé apparaîf matériellement (stofflich) en tant
que force
dominante en face du travail vivant et en tant qu'active
subordination à elle de celui-ci, non seulement par l'appropriation
du travail vivant mais au cours du procès de production réel lui-même. Dans le capital fixe qui existe en tant que machinerie, le rapport du capital en
tant que valeur s'appropriant l'activité
valorisante (même définition
de la force de travail que celle de la Version
Primitive, n.d.r.) est posé en même temps que le rapport de la valeur
d'usage du capital à la
valeur d'usage de la
force de travail; la valeur objectivée dans la machinerie apparaît en outre comme une présupposition devant laquelle la force valorisante de la force
de travail
particulière disparaît en tant qu'infiniment petit (c'est la dévalorisation, n.d.r.)
». (Fondements,
t.
2, ρ.
213).
Cette
dévalorisation
s'exprime
dans l'aspect inessentiel que tend à prendre l'action de l'homme dans le procès de production.
«Dans la mesure même οù
le
temps de travail - la simple quantité de travail -
est présupposé par le capital
comme le seul élément déterminant, dans la même mesure le travail immédiat et sa quantité cessent d'être le principe déterminant de la production, de la création des valeurs d'usage... »
(Fondements,
t. 2, ρ.
215). De même, page 221: «Le travail
n'apparaît plus tant comme partie intégrante du procès de production. L'homme se comporte bien plutôt comme un surveillant et un régulateur vis-à-vis du procès de production».
Enfin,
« L'ouvrier apparaît comme superflu pour autant que son action
n'est pas
déterminée par le besoin du capital».
(p. 214)
« ...
il (le travail immédiat, n.d.r.) est
réduit, quantitativement, à des proportions infimes, et, qualitativement à un moment, certes, indispensable, mais subalterne par rapport au travail scientifique général et à l'application technique des sciences naturelles, par rapport à la force productive générale qui découle de l'organisation (Gliederung) sociale de
l'ensemble de
la production qui se présentent en tant que don
naturel du travail social (encore qu'il soit un produit historique). C'est ainsi que le capital
œuvre à se
dissoudre lui-même, en tant que forme dominante de production ». (Ibid., p. 215).
La dévalorisation est
donc en liaison avec la socialisation non
seulement de la production, mais de l'homme lui-même: la grande industrie
produit 1'οuvrier-
collectif
base même
de
l'homme social de demain. Tel est le sens des sections IV et V
du Premier Livre de Le
Capital.
Le procès de
destruction de l'être humain au travers de l'exploitation
du prolétaire a son côté positif en tant que dissolution du capitalisme et, donc, point
de départ du communisme.
Complétons d'abord, par quelques citations extraites, des Fondements, l'analyse de
l'assujettissement du travailleur au capital fixe. «L'ensemble
du procès de production n'est dès lors plus subordonné à l'habilité de l'ouvrier, il est devenu une application technologique de la science».
ρ.
215) «L'accumulation de 1a
science, de
l'habilité, des
forces
productives générales du cerveau social est
absorbée
par le capital en
opposition au travail; elle apparaît comme une propriété du capital et précisément du capital fixe dans la mesure où elle entre dans le
procès de production comme moyen de
production propre. » (Ibid., p.
213).
La valeur d'usage du capital
(travail objectivé) supplante celle du travail vivant. Cela détruit, parallèlement, la
base de la production individuelle. «Dans 1'échange, immédiat, le travail
immédiat
particulier réalisé dans
un produit particulier ou dans une partie du produit, et son caractère social commun -
objectivation du travail général et satisfaction du besoin général -
ne
sont posés que par l'échange. C'est le contraire dans le procès de
production de la grande industrie. De même que, d'un
côte, l'existence de la force productive du moyen de travail développé en un procès automatique présuppose la soumission des forces naturelles a l'intellίgence sociale, elle présuppose de
même, d'un autre côté, le travail de l'individu posé
comme supprimé dans son existence immédiate,
c'est-à-dire le travail social.
Ainsi s'effondre l'autre base de ce
mode de production.» (Ibid , p.
227).
Après
s'être
assujetti toute la production, il en fait de même pour
les moyens de circulation. «La production à bon marché de moyens de communication et de transport est la
condition de la production
basée sur le capital: celui-ci se met
à les
produire.» (Ibid.,
t.
2, p. 15). Mais
fait remarquer
K. Marx:
«L'abandon des travaux publics par l'État
et
leur passage dans
le domaine des travaux entrepris par le capital montre à quel
point la Gemeinvesen (communauté) réelle s'est
constituée dans la forme du capital.» (Ibid., t. 2, pp. 22-23).
Cette
Gemeinvesen n'inhibe-t-elle
pas le mouvement
de valorisation, autrement dit le capital
ne s'est-il pas
créé lui même une barrière
à son propre devenir
de valeur se valorisant:
contradiction entre
socialisation de la production et privatisation de l'appropriation du sur-travail,
entre
le résultat de
son développement et la base de celui-ci? Le capital résoud
cela,
à sa façon,
en détruisant
- comme
nous
l'avons déjà indiqué - ce qui a été
socialisé.
3
-
Le capital circulant et domination réelle du capital
En
période de domination réelle du
capital sur le travail, le capital circulant
prend, lui aussi,
une nouvelle
fonction.
«D'autre part,
le maintien
du travail dans une branche de production apparaît comme
une propriété
du capital circulant grâce au travail coexistant
dans
une autre.» (Ibid., pp. 215-16).
«Dans
la petite circulation c'est-à-dire lors
de l'échange A M
(v), (achat de la force
de
travail, n.d.r.) le capital avance à l'ouvrier le
salaire que celui-ci échange contre les
produits
nécessaires à sa consommation. L'argent qu'il obtient n'a ce
pouvoir que
parce
que, simultanément, on
travaille à côté de
lui; et c'est
seulement parce
que le capital
s'approprie son travail qu'il peut lui donner une assignation en
argent sur le travail
d'autrui. Cet échange de son propre travail contre celui d'autrui
n'apparaît
pas médiatisé et déterminé
ici par la coexistence simultanée du travail des autres, mais par l'avance faite par le capital. Cela apparaît en
tant que propriété de la partie
du capital
circulant cédée à l'ouvrier, du capital
circulant
en général, que l'ouvrier
puisse, pendant la production, procéder à l'échange
organique (Stoffwechsel) [5]nécessaire à
sa consommation. Cela n'apparaît pas comme un échange organique entre les forces de travail contemporaines, mais en tant que métabolisme du capital.
C'est ainsi qu'existe le capital
circulant. » (Ibid.,
t.
2, p. 216).
En
période de domination formelle, c'est le travail qui remplissait cette fonction.
«Mais nous avons déjà vu dans la circulation et la reproduction que la marchandise ne peut être reproduite, une fois qu'elle a été convertie en argent, que parce que du travail coexistant produit et reproduit simultanément
tous ses éléments.»
(L. IV, t. 7, ρ.
157). K. Marx reprend ici une démonstration de Hodgskίn qui polémiquait
contre D. Ricardo et voulait faire ressortir que toute la richesse produite l'était par
le
travail « ... ce qui sort comme produit d'une sphère de production entre dans l'autre
comme moyen de production et parcourt ainsi des phases successives pour devenir finalement valeur d'usage. Ici, le travail passé apparaît
constamment comme 1a condition du travail présent. » (Ibid., p.
158).
Et, plus loin, «Ιl
n'y a pas simplement passage par des phases différentes, il y a production parallèle de la marchandise dans toutes
ses phases appartenant à des sphères spéciales de la
production et constituant des branches différentes du travail. Si le même paysan cultive le lin, le file, le tisse, il
y
a
succession
de
ces opérations
et non plus
coexistence,
comme
c'est le cas dans la société où le mode de production est fondé sur 1a division du travail.»
«Quand on considère la production de la marchandise individuelle
dans une phase quelconque, le travail passé
n'acquiert de signification que par le travail vivant auquel il fournit
les moyens de production.» (Ibid., ρ.
159).
Mais s'il est vrai que le travail est le vrai créateur de la richesse, il n'en
est pas
moins vrai que le capital en s'appropriant le surtravail se présente comme ayant, lui, cette
faculté. C'est la phase de domination réelle où tout apparaît comme étant du capital. D'où l'emploi par K. Marx non plus du terme de travail coexistant mais de celui de capital coexistant. «Ainsi
toutes les forces de
travail sont transformées en forces du capital: la force productive du travaiï se trouve dans le capital
fixe (qui est posé
extérieur à elle et existant sous forme réifiée (sachlίch) indépendamment d'elle; dans le capital
circulant on a 1a force productive du travail, d'un
côté, parce que le travailleur a lui-même présupposé les conditions de renouvellement dé son travail et que,
d'un autre côté, l'échange de son travail est médiatisé par le travail
coexistant des
autres; cela
apparaît ainsi parce que le capital fait des avances et pose la simultanéité des branches de production (les deux dernières déterminations
appartiennent en propre à l'accumulation); sous la forme du capital circulant le capital
se pose
en médiateur entre les différents travailleurs (Fondements,
t:
2, p. 216). La
continuité du capital, la possibilité de reproduction réside dans le travail coexistant, mais, étant donné le salariat, cela se présente en fait comme étant une propriété du capital
sous sa forme circulante.
Tout
n'est plus
que
capital.
Ιl
masque l'acteur réel de la production: le travail humain. Cela νa
retentir au
sein du
procès de production du capital.
Dans celui-ci: «... le temps de travail consacré à 1a production de capital fixe se rapporte au temps de travail consacré à la production de capital circulant comme le sur-travail
au travail nécessaire. Dans la mesure où la
production déstinée à satisfaire les besoins immédiats devient plus productive, une plus grande partie de la
production pourra être orientée vers la satisfaction des besoins de la production elle-même ou vers la
production des moyens de production. »
(Ibid., t. 2, ρ.
227).
À
ce moment-là nous avons
l'assujettissement total du travail au capital:
«Là où règne le capital (comme autrefois
l'esclavage, le servage ou le système des corvées), le
temps de travail
absolu du
travailleur lui
est posé
comme
condition pour
avoir le droit de travailler le temps nécessaire c'est-à-dire pour pouvoir réaliser en valeurs d'usage ce qui est nécessaire à l'entretien de sa force de travail».
(Ibid., t. 2, p. 25).
4
-
Les marchandises -
produits
du capital
«Au
début, nous concevions la marchandise particulière comme résultat et produit direct d'un quantum de travail déterminé, Maintenant que la marchandise se présente comme produit de la production
capitaliste, la chose change formellement en ce que... » (Le Capital,
L. IV, t.
4, ρ.
98). Ici, la détermination de la valeur par le temps de travail nécessaire pour produire, plus précisément pour reproduire, une marchandise, n'est plus suffisante. Ι1
importe
de faire intervenir deux nouveaux éléments: le
travail payé, lié au sur-travail. « ...la
marchandise,
en
tant que produit du
capital, contient pour partie du travail payé et pour partie du travail non-payé».
(VIème
chapitre, p.
80). On doit
préciser cela en faisant remarquer que:
«À part
le capital constant pour lequel est payé
un équivalent, une partie
du travail objectivé est échangée contre son
équivalent en
salaire, une autre
est appropriée sans équivalent
par le
capitaliste ».
(VIème
chapitre, p. 81).
Ι1
y aurait donc
inéquivalence et la loi de la valeur ne
jouerait plus! C'est la grande difficulté que les économistes classiques ne parvinrent pas
à surmonter: «La première difficulté dans
le système de D. Ricardo,
c'est
d'expliquer comment
l'échange
du capital
et du travail
se fait en accord
avec la loi
de 1a valeur». (L. IV, t.
7, p. 17). K. Marx a clairement posé les
éléments de la difficulté: «Or,
le travail salarié
est une marchandise.
C'est même la base sur laquelle a lieu la production de tous
les produits en tant
que marchandises.
Mais la loi des valeurs ne
s'applique pas à lui.
Par
conséquent elle
ne domine pas la production capitaliste.» (L. IV, t. 3, p. 140).
Voilà la
conclusion à laquelle
parvenaient
les économistes. K. Marx a résolu le
problème comme
nous
l'avons vu, en
montrant que l'échange se faisait entre
capital-travail objectivé
et force
de travail
qui au
cours de
sa consommation productive engendre
un quantum de valeur supérieur à celui contre lequel elle fut
échangée.
Tout le
développement du
capitalisme consiste en la recherche d'extraire du travail
vivant un quantum
toujours
plus
grand;
c'est pourquoi dire que les
marchandises produits du
capital contiennent de plus en
plus de
travail
non payé
équivaut
à la proposition suivante:
le capital domine de plus en plus la force
de travail et
l'exploite de
façon de plus en plus intensive sans
jamais
violer la loi de la valeur.
Pour atteindre
ce résultat,
il faut que la valeur de la force
de travail tombe au minimum (autre
aspect
de la dévalorisation) de telle
sorte que pour une durée
d'utilisation donnée, la plus-value extorquée
soit la plus
grande possible.
Une
autre caractéristique de la
marchandise produit du capital,
c'est que
«La marchandise
particulière apparaît non seulement
matériellement comme
partie
du produit
du
capital, mais
comme partie
aliquote
du lot
produit par
lui.» (VIème, p.
81) [6]
K.
Marx indique
ensuite
les tendances du
capitalisme
en
ce qui
concerne
la production des marchandises: «Si nous faisons abstraction des diverses actions perturbatrices dont nous
n'avons que faire ici, la tendance et le
résultat du mode de production capitalïste, c'est
d'augmenter constamment la productivité du travail (ce qui est une conséquence de la loi indiquée plus haut n.d.r.);
donc, d'augmenter sans cesse la masse des moyens de production transformés en produits avec un même
travail additionnel; de répartir le travail additionnel sur une masse sans cesse plus grande de produits, donc de diminuer le prix
de
chacune des marchandises ou en
général rendre meilleur marché le prix des marchandises» . (VIème, p. 91). Le capitalisme produit plus de marchandises contenant plus de travail non payé.[7]
Enfin
un
dernier caractère qui
est en liaison avec la
dévalorisation: «La
marchandise particulière -
en tant que produit du capital, en réalité en tant que partie élémentaire du capital reproduit et revalorisé -
signifie sa différence avec la marchandise particulière
dont nous sommes partis en tant que présupposition de la
constitution du capital, la marchandise considérée de façon autonome, encore en ceci
- en dehors de ce qui
a été considéré
jusqu'ici, c'est-à-dire les points concernant la détermination des prix -
que si la
marchandise est vendue à son prix, la valeur du capital avancé pour sa production, la plus-value créée par ce capital
peuvent être plus ou moins réalisées.»
(VIème
p. 102).
Ici encore, le VIème
Chapitre
anticipe sur ce qui sera la matière du livre III de Le Capital: la transformation de la valeur en prix de production et la baisse tendancielle du taux de profit.
C'est pourquoi il apparaît réellement comme une synthèse de l'œuvre
en même temps qu'il fournit un fil conducteur essentiel pour l'étude des
formes de la valeur en système capitaliste.
5
- Le capital et domination de la loi de
1a valeur; autonomisation du capital.
Tout d'abord il nous faut faire remarquer ceci: la marchandise produit du capital
suppose un changement quant à la forme de la production. En
particulier, la marchandise de la production marchande simple était le but de la production, le produit réel de la production. Sous le capitalisme,
ce n'est plus le cas, la marchandise n'est qu'apparemment son produit. Le produit réel, c'est la plus-value. Mais faire une telle affirmation, c'est nier que le capital
domine réellement les
conditions de la production, la production elle-même. En effet, l'énoncer, cela revient à mettre encore en relief
l'action de
l'homme, du
prolétaire qui a
effectivement engendré la plus-value. Lorsque le capital domine totalement, il se présente, nous
l'avons vu, comme étant lui-même le créateur de l'excédent de valeur. C'est pourquoi la transformation de la plus-value en profit et du taux de plus-value en taux de profit découle directement de la domination du capital: l'une est liée à
l'autre indissolublement. Voilà pourquoi dans les Grundrisse, lors de
l'analyse de la transformation de la plus-value en profit, K. Marx
parle du capital
en tant que porteur de fruits.
Pour
résoudre donc cette apparente contradiction
exposée dans la
citation précédente, il faut voir comment le capitalisme s'assujettit la loi de 1a valeur afin de prendre au travail le plus de valeur possible. Car, la question, il faut le rappeler, se situe toujours au niveau de
celle-ci. «Toutes les variations du prix de production des marchandises se réduisent en dernière analyse à un
changement de leur valeur (L. III,
t. 6, p. 220), ou, p.
193 du
même
tome:
«Quelle
que
soit la manière dont les prix des diverses marchandises sont d'abord fixés ou réglés les uns par rapport aux autres, la loi de 1a valeur domine le mouvement.»
D'ailleurs, toute la vie du capital -
valeur en procès -
est de
surmonter les révolutions de la
valeur: «Du
fait que nous
n'étudions en ce moment que la forme du mouvement, nous ne tenons pas compte des révolutions que la valeur capital peut subir dans son propre procés
cyclique; mais il est
clair qu'en dépit de toutes les révolutions de valeur, la production
capitaliste ne
saurait exister et durer que pour autant que la valeur capital
se valorise,
c'est-à-dire décrit son procès cyclique en tant que valeur autonomisée, donc pour autant que les révolutions de valeur peuvent être surmontées et
aplanies d'une façon ou
de
l'autre.» (L. II, t. 4, pp. 97-98).
Le dénouement
de la
contradiction se trouve donc
dans le devenir
de la
valeur capital.
Pour que le capital se
manifeste selon son être, il
faut qu'il soit toujours de la valeur
en
procès ce qui a pour corollaire
qu'en aucune
façon il
ne doit
se fixer en l'une quelconque de ses déterminations. Il doit
revêtir toutes les formes et les
quitter successivement
toutes pour
réaliser la valorisation
de la valeur avancée. Ceci s'exprime
d'une
autre manière
en disant que le Capital est la valeur d'échange parvenue à
l'autonomie. Nous
avons vu la phase
préliminaire à ce développement
dans la Version
primitive. Dans le VIème
chapitre, K. Marx
affirme
que cette autonomie est caractéristique du mode de production capitaliste. Dans
le livre II et surtout dans le livre ΙΙΙ, il
explique
comment le capital parvient à s'autonomiser.
Ce qui implique qu'il domine le procès qui l'a
historiquement engendré
et que tout se passe
comme pour
l'or: «Le mouvement
médiateur
s'évanouit dans son propre résultat et ne laisse aucune trace. Sans
leur intervention, les marchandises trouvent
toute prête leur propre forme valeur dans le corps d'une
marchandise existant en
dehors et à côté d'elles. Ces simples choses, argent et or, telles
qu'elles
sortent des
entrailles de la terre, figurent aussitôt comme incarnation
immédiates de
tout le travail humain; de là la magie de l'argent.» (L. Ι,
t. 1,
p. 103). Or, il y a une magie du capital, puisque les
économistes disent qu'il est apte à créer de la valeur. Voyons
donc les
différentes étapes de ce procès d'autonomisation.
a)
Transformation de la plus-value en profit et du taux de plus-value en taux de profit.
Ce
qui est essentiel pour le capital,
c'est qu'il puisse se valoriser, engendrer un
incrément de
valeur
et non pas
qu'il réalise obligatoirement toute 1a
plus-value qu'il extorque aux ouvrier. En effet, le capitaliste avance
un certain
capital k = (c + ν)
qu'il appelle coût de production:
«Le coût de 1a marchandise se monte, du point
de vue
du capitaliste, à la dépense de
capital, son
coût réel,
à la dépense
de
travail.» (L.
III, t. 1, p. 48). Nous voyons ici que le capital se pose en dominateur puisque le sur-travail
n'est
pas compté dans
le coût de
production.
Autrement dit, le procès
de valorisation l'emporte sur
celui de
travail.
Le capitaliste peut obtenir après passage
de k dans le procès de production et de circulation une quantité k' supérieure à k.
Ι1
est évident
qu'il
désire
que
k'
soit le plus grand possible, mais la concurrence fait que ceci ne peut se réaliser que dans des limites données. À partir de là, nous comprenons qu'un capital
n'est viable que dans la mesure où il est apte à engendrer un incrément -
si
minime soit-il - tel que k'
soit différent de k; k doit se transformer en k + Δ k
tel
que
k'
- k =
Δ k.
Δ
k est le profit.
Nous retrouvons ainsi les formules de K. Marx
utilisées dans le VIème chapitre, lors de l'analyse de la transformation de l'argent en capital. Une somme d'argent x
est capital si
elle capable de se transformer en x+
Δx.
« Le profit tel qu'il se présente à nous d'abord est donc la même chose que la plus-value; il en est simplement une forme mystifiée, qui naît cependant nécessairement du mode de production capitaliste. Du moment que, dans la composition apparente du coût de production, on ne voit pas de différence entre capital
et capital variable, l'origine du changement de valeur qui se produit pendant le procès
de production doit être nécessairement transférée de la portion du capital variable au capital dans son ensemble. C'est parce que le prix de la force de travail apparaît à l'un des pôles sous la forme modifiée du salaire, qu'au pôle opposé la plus-value apparaît sous la forme modifiée du profit ». (L. III, t. 6, p. 61).
Il
en est de même du taux de profit: « Le rapport de 1a plusvalue au capital variable s'appelle taux de plus-value; le rapport de celle-ci au capital
total s'appelle taux de profit. Ce sont là deux mesures différentes de la même grandeur qui expriment en même temps deux rapports ou
références de celle-ci par suite de la différence des étalons employés ». (L. III,
t. 6, p. 61).
Dés lors, le capital «apparaît en tant que rapport à lui-même; dans ce rapport il se distingue en tant que somme de valeur initiale, d'une nouvelle valeur par lui-même posée (Ibid., ρ.
61). De même, la plus-value devait se distinguer de la
valeur avancée. D'autre part, le capital qui s'est emparé de
toutes les branches de production -
tout est devenu capital, avons-nous dit -
a besoin de son propre système de mesure [8] C'est pourquoi nous assistons au début de l'autonomisations qui νa
s'accroître
lors de la...
b)
Transformation du profit en
profit social
moyen.
L'ensemble du capital social a
rapporté un profit donné. Le taux de profit
social moyen est le rapport de ce profit a la totalité du
capital avancé. L'ensemble
du capital social détermine donc le taux de profit et l'impose à tous
les capitaux individuels. D'autre part,
1a masse
du profit est égale à celle de la plus-value. Tous les capitaux, parties
aliquotes du capital social veulent réealiser le profit social moyen et donc
s'accaparer une portion
de la masse
sociale de plus-value
extorquée aux ouvriers. Ils ne peuvent le faire qu'en fonction de la plus-value qu'ils ont
effectivement arrachée aux
prolétaires. Puisque ce qui compte, c'est de récupérer une quantité de
capital supérieure à celle avancée. Cela se réalise au travers de la concurrence des capitaux.
Arrivé
à ce stade de la démonstration, K. Marx
fait
une constatation qui situe à nouveau la contradiction apparente dont
nous
avons parlé au sujet
de la
loi de la valeur sous le capitalisme. "Nous
avons donc montré qu'il existe dans des
branches d'industrie différentes des taux de profit inégaux
correspondant à une composition organique différente des
capitaux et aussi à une différence dans leur temps de rotation, à l'intérieur de limites fixées.
Ι1
s'ensuit aussi que, le taux de la plus-value et le temps
de rotation
étant égaux, la loi qui veut que les profits soient proportionnels
aux grandeurs
des capitaux et
que par conséquent des
capitaux de même
grandeur, dans des
intervalles de temps égaux, rapportent
des
profits égaux ne s'applique (dans
sa tendance générale) qu'à des capitaux
de composition organique
identique. La
validité de
ce qui précède repose sur l'hypothèse de
base de nos developpements antérieurs: à savoir que les marchandises sont vendues à leur valeur. Par ailleurs, si l'on écarte des différences
insignifiantes, fortuites, se
compensant les unes les autres, il n'y a pas de doute que dans 1a réalité il n'existe pas et i1
ne saurait exister de
différence dans
les taux moyens
de
profit entre les
différentes branches de production, sans que tout le système de la production capitàliste
en
soit supprimé. Ι1
semblerait donc que la théorie de la valeur soit ici
incompatible avec le mouvement réel et les phénomènes
objectifs accompagnant la
production et qu'il faille par
conséquent renoncer
à comprendre ces
phénomènes. » (L.
III, t. 6, pp.
169-170).
Après
avoir indiqué 1a
contradiction apparence,
telle que nous
l'avons abordée, i1
indique où se trouve la difficulté réelle: «Toute la difficulté provient de ce que les marchandises ne sont pas
échangées simplement en tant que marchandises,
mais en
tant que produits de capitaux qui prétendent participer à la- massé totale de la plus-value
proportionnellement à leur grandeur, et -
à grandeur égale - réclament
une
participation égale.» (L. III, t, 6, p.
11). Nous l'avons déjà indiqué, la masse de plus-value est égale à la
masse de profit. Tous les capitaux prélèvent proportionnellement
à leur grandeur.
À la fin de cette péréquation, toute la
plus-value, et donc
tout le profit, a été répartie entre les divers
capitaux. Pour
chaque
capital l'incrément de valeur provient
d'une
source unique: la force
de
travail des ouvriers. Le capital
social répartit au travers de 1a
concurrence cette plus-value extorquée: «La concurrence exécute les
lois
internes du capital. Elle en fait des
lois contraignantes pour le capital
particulier, mais
ne les
invente pas.
Elle les réalise». (Fondements, t.
2, p. 279). Ainsi le capital s'est assujetti la loi de la valeur (ceci
est d'ailleurs
contenu dans le passage
à la domination
réelle du capital sur
le travail, c'est-à-dire le moment où
il domine de
façon
absolue la source même
de 1a valeur); il médiatise les
valeurs individuelles et, la forme
médiatiése de celles-ci, c'est le prix de
production (coût de
production plus
profit, c +ν +
π =
k').
« Les
variations dans le temps de travail
nécessaire pour produire des marchandises, partant de leur valeur,
apparaissent ici, relativement aux coûts de production, donc aux prix de production, comme une répartition différente du même
salaire sur une plus ou
moins
grande quantité de
marchandises
selon que plus ou moins
de marchandises
sont produites pour
un temps de
travail et un salaire constants. Tout ce que le capitaliste et
l'économiste voient,
c'est que la partie
du travail
payé qui se rapporte
à l'unité des marchandises varie avec la productivité du travail et que partant, varie la valeur de
chaque unité; il s'en aperçoit d'autant moins
qu'en effet, le travail non payé
consommé dans sa sphère ne détermine
que tout à fait
par
hasard le profit moyen.
Ce n'est plus que sous cette forme grossière et aconceptuelle
que transparaît encore le fait
que la valeur des
marchandises
est déterminée
par le
travail contenu
en elles. »
(L. III, t. 6, pp.
187-188).
Le mouvement qui a engendré le capitaliste,
l'échange entre travail vivant et travail mort,
objectivé, est masqué;
d'une part
le rapport du capital variable au capital constant, d'autre part
celui du capital variable
à la
plus-value (ce n'est que pour le capital
de composition organique égale à la moyenne
sociale que la plus-value est égale au profit) n'apparaissent pas opérants, mais c'est la
quantité c + ν =
k,
coût de production,
capital anticipé,
qui est déterminante.
Le mouvement
disparaît dans
son résultat, d'où la magie du capital.
Ι1
est important à ce propos de rappeler l'objection faite par les économistes et que K. Marx
présente
ainsi dans la Contribution «Le
prix de marché
des marchandises
tombe au-dessous ou dépasse leur
valeur d'échange suivant les variations
de l'offre et de la demande.
Par conséquent, la
valeur
d'échange des
marchandises
est déterminée
par le rapport
de
l'offre et de la demande
et non par
le temps de
travail qu'elles contiennent. Pratiquement cette
étrange conclusion soulève simplement la question suivante: comment se forme sur la base de la loi de la valeur (c'est nous
qui soulignons n.d.r.) d'échange un prix marchand différent de cette valeur, ou plus exactement
comment la loi de la valeur d'échange ne se réalise-t-elle que dans son contraire» (p. 38). Invariance du
marxisme! La solution
était connue bien avant
que le
troisième livre ne
fût publié. Ι1
fut des imbéciles, il en est encore, pour taxer d'accomodation
l'explication
donnée par la théorie
des prix
de production. K. Marx n'a pas
opéré de
rétrogradation
théorique:
i1 n’a pas eu à accomoder
puisque
tout était contenu dans les formes de 1a
valeur.
Les économistes
vulgaires qui faisaient l'objection précédemment indiquée affirmaient
que la
loi de la valeur n'était plus opérante sous le capitalisme: le temps de travail socialement necessaire
ne
déterminerait
plus la valeur
des marchandises.
«Bien
que pour la plupart des marchandises
les prix de production différent des valeurs et que leurs frais de
production s'écartent par conséquent de la masse totale de travail
qu'elles renferment,
il est évident que ces frais de production et ces prix de production ne sont pas uniquement déterminés par la valeur
des marchandises,
conformément à la
loi de la valeur,
mais
qu'on ne
saurait en comprendre l'existence qu'en partant de la valeur et de
sa loi; sans cela, on aboutirait à une absurdité. »
«On
voit en même temps comment les
économistes qui considèrent d'une part le phénomène en action
dans la concurrence et ne conçoivent pas, d'autre part, la médiation
entre la loi de la valeur et la loi
des coûts de
production,
se sauvent dans la fiction: c'est le capital
et non le travail qui détermine la valeur des marchandises, ou mieux, il ne donne
aucune valeur.» (L. IV, t. 6, p. 129).
Ils
ne peuvent aboutir à une telle
conclusion que parce
qu'ils raisonnent
sur le
phénomène apparent et sur le résultat de celui-ci: l'autonomisatίon
du capital. Mais cette
apparence signifie simplement que le capitalisme domine la loi de 1a valeur. Si vraiment il n'y
avait plus de
valeur,
cela voudrait dire que
le capital se serait affranchi totalement de sa base, de sa condition de vie:
l'échange entre travail vivant et travail objectivé; il serait lui-même
créateur de produits et il n'y aurait plus de valorisation. À l'échelle d'un capital individuel
l'échange est masqué,
mais i1 apparaît
encore nettement
à l'échelle sociale même si la quantité de travail vivant tend à
diminuer.
La formation d'un taux de profit social moyen est le résultat
de 1'autonomisatίon du capital.
Or, celui-ci ne peut
devenir
autonome qu'en développant son caractère
social comme ce fut
le cas pour la valeur
d'échange dans la période
de productίon
marchande.
En effet, par
la généralisation des
échanges, nous
avons vu que la valeur
devenait
de plus
en plus le représentant
de tout
le travail abstrait de la
société (la monnaie).
En assurant
ainsi une fonction sociale, elle se rend
indépendante de
toutes les valeurs
d'usage qui sont à la base de sa
formation, puisqu'elles s'équivalent toutes à elle. Seulement ce mouvement a une limite liée
aux données
mêmes
de la
circulation: elle nie son
caractère social lorsqu'elle doit
s'échanger contre une marchandise particulière.
Pour le capital, la circulation par l'entremise de la concurrence permet la transformation de la valeur en prix de production. C'est le moyen qu'a le capital de se rendre autonome vis-à-vis du procès de production immédiat. Ι1 peut opérer dans n'importe lequel, ce qui provoque l'égalisation des conditions de la production en ce sens que finalement deux capitaux égaux, mais à composition organique différente donnent un taux de profit identique. Ceci se produit uniquement parce que le capital est devenu social et non plus une simple donnée de la société à côté de la propriété foncière par exemple ou de la petite propriété artisanale. Le temps de travail immediat n'est plus le déterminant direct de la valeur. Autrement dit, le capital est lui-même son propre équivalent général. Chaque quantum de capital se réflète dans le capital social qui, lui, détermine le quantum d'accroissement du premier. Tous les capitaux individuels sont relatifs au capital social. Telle apparaît la loi de la valeur en systeme capitaliste.
Le capital
domine la loi de la valeur et
l'égalisation des
taux de
profit devient présupposition de la production capitaliste:
«Le capital apparaît
donc
comme capital, en tant que valeur présupposée par la médiation
de son propre procès, se rapportant à
lui-même comme valeur
posée et
produit, et la valeur
posée par
lui s'appelle profit». (Fondements, t. 2, p.
291). Ιl
exerce une domination absolue sur la
société et
tend à devenir la société: stade final
du développement de
son caractère
social. L'opposition
ne se fait
plus
entre capital et modes
de
production antérieurs, mais entre une fraction du capital et le capital lui-même
présupposition du procès de production
et du procès de circulation. «Le capital réussit plus ou moins cette égalisation; il la
réussit
d'autant mieux que le développement capitaliste
dans une communauté nationale donnée
est plus grand, c'est-à-dire que les conditions du pays en question
sont mieux adaptées
au mode
de
production capitaliste. À
mesure
que celle-ci progresse, ses
conditions se développent; elle soumet la totalité des présuppositions
sociales, dans
lesquelles se déroulent
le procès de
production, à son caractère spécifique et à ses lois immanentes.» (Livre ΙΙΙ,
t.
6, pp.210-11). Autrement dit le capital devient sa propre mesure comme
l'or était 1a mesure
de
toutes les valeurs marchandes. Ceci, encore une fois, exprime son autonomίsation
et
sa magie.
Voilà pourquoi le capitalisme est le
dernier
mode de
production basé sur 1a valeur, car c'est la forme de production où la valeur se constitue société. Cest ce qu'explique F. Engels dans la Preface
du
Livre III du Capital et ce que montre K. Μarx,
de
façon apodictique dans les Fondements, t. 2, p. 220: «L'échange du travail vivant contre du travail
objectivé,
c'est-à-dire le fait
de poser le travail social sous la forme
de la
contradiction entre
capital et
salariat, est l'ultime développement
du rapport valeur
et de la production
fondée sur la valeur». Le capital lui même tend à la
nier. Pour
cela il faut que le prolétariat soit complèment
soumis, sans quoi la domination de la loi de la valeur ne signifierait rien. «De ce que nous venons
de dire,
il résulte
que chaque capitaliste individuel, tout
comme l'ensemble des capitalistes dans
chaque sphère de
production
particulière, participe à l'exploitation de toute la classe ouvrière par l'ensemble du
capital et au dégré de cette exploitation,
non seulement par
sympathie générale de classe, mais
par
intérêt économique dirèct, parce que le taux moyen de profit dépend
du degré d'exploitation du
travail total par le capital
total (en supposant données toutes les autres conditions, y compris la valeur de
l'ensemble du capital constant avancé. »
(Livre III, t.
6, ρ.
221).
Enfin, dans l'étude du rapport entre taux de plus-value et taux de profit, K. Marx explique la relation entre valorisation et dévalorisation. Ι1 donne une formule mathématique:
dans laquelle ν/k est le rapport entre la quantité de travail vivant employée dans un procès de production à la masse de valeur objectivée (capital anticipé) qu'il peut mettre en mouvement. On pourrait l'appeler
valorisation du
capital;
plus exactement, valorisation potentielle
telle qu'elle se présente au début du procès de production immédiat, avant que celui-ci ne se déroule. La valorisation réalisée serait p/k, c'est le rapport de la plus-value au capital avancé (taux de profit). Ιl
indique
ce
qui
a
été effectivement
extorqué
à
l'aide d'un capital donné.
Enfin, si
l'on
analyse la question
à
l'échelle sociale,
il
est
évident
que
cette
valorisation s'exprimera par π/k;
le
profit
est
déterminé maintenant par le mécanisme de la
concurrence entre capitaux particuliers. «En fait, le rapport p/k exprime le
degré de valorisation
(verwertunsgrad) de
tout le capital avancé; ce
rapport considéré sous l'aspect
de sa
dépendance interne, conceptuelle, et du point de vue de la nature de la plus-value, indique la relation entre la grandeur de 1a variation du capital
variable et la grandeur du capital total avancé. »
(Livre III, t. 6, ρ.
64).
Mais
il
indique
en
même
temps
la dévalorisation de celui-ci, parce que, historiquement, le capital
constant tend à s'accroître de façon extraordinaire par rapport au capital
variable. Donc v/k tend à diminuer. D'où il résulte la tendance, dont nous avons déjà parlé, qui est de diminuer la quantité de valeur avancée, surtout sous forme de capital
constant: c'est 1a dévalorisation. Si beaucoup de valeur se fixe sous forme de k, il est évident que π'
diminue
(donc
fixation
=
dévalorisation).
Ι1
faut libérer une fraction de k (donc le dévaloriser) pour permettre une valorisation plus grande.
Mise
sous forme différente, 1a formule devient:
c)
Loi de la baisse tendancielle du
taux
de
profit.
Au
niveau historique où cette
loi se manifeste, la domination du capital est réellement absolue. Nous avons vu qu'elle
s'exerçait sur le capital fixe; sur les formes simultanées, c'est le
capital circulant
sous son aspect coexistant: «Le
mode
déterminé
du travail
est transféré ici de l'ouvrier au capital
sous la forme
de la machine
et, par
ce transfert, sa propre force de
travail est dévalorisée.
D'où la lutte
du travailleur contre la machine. Ce
qui était activité du travailleur vivant, devient
activité de la machine.» (Fondements,
t. 2, ρ.
220). Elle s’exerce de même sur le travail en tant que
créateur de la valeur
d'échange. Tout
se passe
comme si c'était le capital lui-même et non le travail qui serait cause
de
l'incrément de
valeur.
La
loi
s'exprime ainsi: «Comme la masse de travail vivant utilisé diminue
constamment par
rapport à la masse
de
travail objectivé
qu'elle met
en mouvement, il faut donc aussi que la partie de ce travail vivant qui
n'est pas
payé et
s'objective
dans la
plus-value, se
trouve dans un rapport constamment décroissant
vis-à-vis du volume de valeur du capital total
utilisé. Ce rapport
de la masse
de
plus-value à la valeur
du capital total utilisé constitue le taux de profit; celui-ci doit
donc
constamment baisser.» (Livre
III, t. 6, p. 227).
Elle
résume
toutes
les
contradictions
du
système
capitaliste analysées
auparavant.
Elle
en
implique
d'autres
qui
sont
liées
à la
lutte
contre la baisse
tendancielle, aux efforts faits pour en limiter les conséquences. Ι1
faut donc maintenant voir le mouvement d'autonomisation et d'expropriation et «découvrir
et décrire les formes concrètes auxquelles donne naissance le mouvement
du capital considéré comme un tout.» (Livre III, t.
6, p. 47). Cela revient, au fond, à analyser les
conséquences de la
loi des prix de production, c'est-à-dire,
les conséquences de la domination de la
valeur par
le capital.
6)
Conseqιιences de la loi
des
prix
de production. Conséquences de la
domination de la loi de la valeur par le capital.
a)
L'expropriation.
Elle
ne s'effectue plus uniquement aux
dépens des travailleurs, d'une part, et, d'autre part, elle n'opère plus sur les
mêmes éléments. Le travailleur ne peut plus être séparé de ses moyens de production. Elle s'effectue enfin aux dépens d'un autre personnage: le capitaliste. «C'est
cette séparation entre conditions de travail d'un
côté, et producteurs de l'autre qui constitue le concept du capital,
qui, inauguré par l'accumulation primitive (Livre Ι,
chapitre XXIV),
apparaît ensuite comme procès ininterrompu dans l'accumulation et la concentration du capital
et ici s'exprime finalement dans la centralisation en peu de mains des
capitaux existant déjà et dans la décapitalisation (c'est
maintenant la nouvelle forme de l'expropriation) d'un grand nombre de capitalistes. Ce procès ne
tarderait pas à mener la production capitaliste
à la catastrophe, si, à côté de cette force centripète, des tendances contraires n'avaient
sans cesse des effets décentralisateurs.» (Livre III, t. 6, p. 259).
De même dans le tome 7, page 105: «L'expropriation
s'étend ici du producteur immédiat
aux petits et moyens capitalistes
eux-mêmes. Cette expropriation est le
point de
départ du mode de
production capitaliste dont le but est de la réaliser et, en dernière instance,
d'exproprier tous les individus des moyens de production qui, avec le développement de la production sociale, cessent d'être des moyens et produits de la
production privée et sont seulement moyens de
production dans les mains des producteurs associés; ils peuvent donc être leur propriété sociale, tout comme ils sont leur produit social. »
La concentration du capital
equivaut à la socialisation de plus en plus poussée de la production. Cela veut dire que capitalisme engendre le communisme, de même que le féodalisme a engendré le capitalisme.
Il engendre sa propre négation. En conséquence, il ne peut assurer sa survie qu'en détruisant cet antagonisme: donc décentralisation, privatisation et libération de parcelles de capital qui
sont pour ainsi dire arrachées au capital fixe par le devenir du mode de production; ce qui est encore dévalorisation pour poser une valorisation.
b)
L'autonomisation
Le
Capital intérêt
Le capital en sa forme la plus pure de capital-argent, de capital-financier, présente la même nature double que la marchandise: une valeur d'usage et
une valeur d'échange: «Sur
1a base de la production capitaliste,
l'argent - considéré ici en tant qu'expression autonome d'une somme de valeur, à
condition qu'elle existe effectivement (tatsächlich) en argent ou en marchandises -
peut se transformer en capital
et, d'une valeur donnée, il devient -
gràce à
cette transformation - une valeur se valorisant et
s'accroissant elle-même. Il
produit
du profit,
c'est-à-dire
qu'il
permet
aux capitalistes d'extorquer aux ouvriers une certaine quantité de travail
non-payé, du
surproduit
et de la plus-value et de se les
approprier. Outre la valeur d'usage qu'il
possède comme argent, il acquiert
une autre valeur d'usage: celle de fonctionner en tant que capital. Sa valeur d'usage consiste précisément alors dans le profit qu'il produit,
une fois transformé en capital. En cette qualité de capital
potentiel (mögliches), en tant que moyen de production du profit, i1 devient marchandise, mais une marchandise sui generis.
Ou, ce qui
revient au même, le capital
en tant que capital devient marchandise.» (Le Capital, L. III,
t. 7, pp.
7-8).
Si
un Capitaliste
cède
cette marchandise à un autre
qui
l'utilisera,
ce second
capitaliste paiera au premier, à la
fin de l'utilisation de cette marchandise, une somme donnée appelée intérêt, en plus de la marchandise qu'il restitue.
L'ίnterêt «paie donc l'usage
du
capital». Ce qui représente «la valeur d'usage de
l'argent prêté c'est de pouvoir faire la fonction de capital
et de produire dans des conditions moyennes le profit moyen.»
(L.
III, t.
7, p. 20). La
valeur d'usage de ce capital se manifeste dans le fait de permettre le procès de valorisation. Cela exprime à quel point le capital est devenu autonome. «La
réalité sociale contradictoire de la richesse matérielle -
son opposition au travail en tant que travail salarié - séparée du procès de production, est déjà exprimée dans le fait de
posséder du
capital en
tant que tel. Cet aspect déterminé, détaché du procès de
production capitaliste lui-même, dont il est l'aboutissement constant et comme tel,
l'éternelle condition, s'exprime dans le fait que l'argent tout comme la marchandise, sont en soi, de façon latente, en puissance, du capital;
qu'ils peuvent être vendus comme capital
et que, sous cette forme, ils commandent le travail d'autrui, ils donnent droit à l'appropriation du travail d'autrui. Ils sont donc de la valeur qui fructifie. Ι1
ressort ici
clairement que le droit et le moyen de s'approprier le travail d'autrui résultent de cet état de choses et non d'un travail quelconque fourni
en contrepartie par le capitaliste.» (Ibid., p. 23).
La limite de l'autonomie ne pourra être que la force de travail en ce sens que le capital
ne peut tout de même pas supprimer sa dépendance vis-à-vis de celle-ci. Mais ce n'est plus la force de travail individuelle (nous avons vu qu'à ce stade, elle n'existait plus), mais la force de
travail sociale: le prolétariat que le capitalisme a lui-même
unifié. Même si celui-ci, à la surface des phénomènes, apparaît divisé
à cause des partis aux multiples couleurs,
des syndicats aux réformίsmes variés qui essaient de le partager ou de maintenir une partition qui fait leur vie. Ils tentent en fait d'escamoter cette unité toujours revendiquée par les prolétaires afin de
détruire l'autonomisation du capital. Ici encore, le
communisme est prisonnier du capital.
Au point le plus développé de ce dernier, le communisme est l'ennemi
qu'on doit mystifier. Mais revenons aux caractères de cette autonomie:
1)
Apparente
faculté de produire de la plus-value. «De même que le propre de l'arbre est de croître, de même engendrer de
l'argent semble être le propre du capital sous sa forme de capital
argent. »
(Ibid.,
p. 57).
«Le
capital figure ici à
la fois comme arbre et comme fruit ; le profit qu’il donne a
pour mesure
sa propre valeur, mais le capital persiste toujours». (Livre
IV,
t. 8, p. 128)
2)
Ι1
est sa propre mesure.
«Il est un rapport de
grandeurs, rapport en tant
que somme principale -
en tant
que valeur donnée -
à elle-même en tant que valeur se valorisant,
en tant
que somme principale qui a produit
une plus-value.»
(Ibid.,
p.
55) [9]
La
valeur d'échange parvenue
à l'autonomie est le capital qui tend à
devenir autonome,
et il ne le peut qu'en se
libérant de la valeur d'usage
de l'échange avec
laquelle il naît. Ici le
capital devenu autonome n'est échangé, acheté
que pour sa valeur d'usage,
c'est-à-dire
pour sa
faculté
d'entrer dans
un procès de production immédiat et d'en
ressortir
valorisé. Nous
pouvons dire -
par analogie
avec la
force de
travail - qu'il est acheté pour sa
force de
production. «Ce
qui est
en
fait vendu c'est sa
valeur
d'usage qui
est, ici, de poser de la valeur
d'échange, de produire du
profit, de produire plus de valeur qu'il
n'en contient
lui-même.» (L. IV,
t. 7, p. 131).
Mais [10]
nous savons pourquoi cela est
possible. Parce que le travail mort,
au sein
de ce procès, s'échange
contre du travail
vivant. Ainsi, il apparaît bien que le capital
rencontre une limite à son
autanomisation; il
ne peut se libérer du procès de
production immédiat dans
lequel il rencontre
son antagoniste: le travail
vivant. Le capital n'est une force de production que dans la mesure où i1
s'accapare de la force
de travail.
Le crédit
Ι1
ne semble
échapper
à cette limite ainsi qu'aux effets
de la baisse tendancielle
du taux
de profit, qu'en développant cette
forme
avec le capital par actions
et le capital fictif. Ceci
s'effectue par l'intermédiaire du
crédit
qui est la création la plus
importante du système
capitaliste. C'est gràce à
lui que 1'autonomisation de la valeur
a une réalité
sociale.
«Ainsi se trouve
résolue
cette question absurde:
la production capitaliste avec son volume actuel serait-elle
possible sans
le systéme
de crédit
(même
en ne
considérant
ce système
que de ce point
de vue-ci), c'est-à-dire avec la seule circulation
métallique? Évίdemment
non! Elle
se serait heurtée aux
limites
de la production des métaux
précieux.» (L. II, t. 4,
p.
321) [11]
En effet
quel est le rôle du crédit dans
la
production capitaliste?
1)
Nécessité
de sa création
pour que se
produise l'égalisation du taux de profit, ou que se produise la tendance à cette
égalisation sur laquelle
repose toute la
production capitaliste.
2)
Diminution des
frais de
circulation.
3)
Constitution de sociétés
par actions. » (t. 7,
pp. 101-102)
« ... le crédit offre au
capitaliste particulier, ou à celui
qui passe pour tel, la disposition absolue à
l'intérieur de certaines
limites, de capital d'autrui, de propriété d'autrui, et par conséquent le
travail d'autrui. La disposition du capital
social et non pas privé lui permet de disposer de travail social. Le
capital lui-même, qu'on le possède réellement, ou seulement dans l'opinion du public devient
uniquement la base de la superstructure du crédit.»
(t. 7, p. 104).
«
Le système de crédit accélère par conséquent le développement matériel des forces productives et la constitution d'un
marché mondial; la tâche historique de la production capitaliste est justement de pousser jusqu'à un certain degré de développement ces deux facteurs, la base matérielle de la nouvelle forme de production.» (t. 7, p.
106).
En
quoi consiste
cette formation de capital
fictif? «On appelle capitalisation la constitution du capital
fictif. On capitalise n'importe quelle recette
se répétant régulièrement en calculant, sur la base du taux d'intérêt moyen, le capital qui, prêté à ce taux rapporterait
cette somme, par exemple, si 1a recette actuelle est de 100 l. st. Et le taux
d'intérêt de
5°/ο;
les 100 1. st. seraient
l'intérêt annuel de 2.000 l.st. et ces 2.000 1. st. passent pour la valeur capital du
titre de
propriété qui, juridiquement, ouvre droit aux 100 Ι.
st. annuelles.
Pour quiconque achète ce titre de propriété, les
100 l.st de recette
annuelle représentent en fait
l'intérêt du
capital qu'il
a placé à 5%. Ainsi, il ne reste absolument plus trace d'un rapport quelconque avec le procès réel de valorisation du capital et l'idée d'un
capital considéré comme un automate capable de créer de la valeur par lui-même s'en trouve renforcée.»
(Livre III, t.
7, pp. 128-29).
Ici,
le cycle
est bouclé:
«Si, primitivement, le capital
faisait figure à la surface de la circulation, de fétiche capitaliste,
de valeur créatrice de valeur, il réapparaît ici sous la forme de capital
porteur d'intérêt sous sa forme la plus aliénée et la plus caractéristique.»
(Livre ΙΙΙ, t. 8, p. 207). De même dans le Livre IV, t. 8,
p. 145: « La forme inintelligible que nous rencontrons à la surface et dont, par conséquent, nous sommes partis dans l'analyse, nous la retrouvons comme résultat du procès où la forme (Gestalt) du capital devient de plus en plus extranéisée (entfremdete) et sans relation à sa nature interne. »
«L'argent en tant que forme
métamorphosée de la marchandise était notre point de départ. L'argent
en tant que
fοrme métamorphosée du
capital est ce à quoi nous arrivons, tout comme nous avons reconnu la marchandise comme présupposition et résultat du procès de production du capital.»
Nous avons vu que dans le VIème
chapitre, K. Marx explique que le
capital dès
l'abord apparaît comme «un fluens qui pose un fluxio ». C'est-à-dire qu'il est une grandeur x qui a la possibilité de se transformer en x +
Δx.
Ιl
a mis
en
évidence ce que recouvrait cette apparence, quelles étaient les conditions pour que ceci puisse se réaliser: le procès de travail et celui de valorisation; enfin comment le mouvement du capital
crée cette apparence. Ce qui a été posé dans ce chapitre trouve son développement final ici. Le phénomène apparent n'est pas une illusion, il correspond à une réalité. Ι1
fallait
inventorier les conditions pour qu'une telle
réalité se manifeste. On voit ainsi l'unité
de la théorie de K. Marx
et
son extraordinaire cohésion. Beaucoup de développements peuvent aρparaitre comme de simples digressions, uniquement parce que l'auteur n'a pas eu le temps de
terminer son œuvre
dont il disait qu'elle formait un tout: «En
ce qui
concerne mon travail, je vais te
dire clairement ce qu'il
en est. Ιl
reste trois
chapitres à écrire, pour terminer la partie théorique (les trois
premiers Livres). Puis il y aura le IV° Livre consacré à
l'histoire et aux sources qui sera pour moi, relativement la partie 1a plus facile... »
« (...) quelques défauts qu'ils puissent avoir, c'est
l'avantage de
mes écrits, qu'ils constituent un tout artistique et je ne puis parvenr à ce résultat qu'avec ma façon de ne jamais les
faire imprimer tant que je ne les ai pas tout entiers devant moi »
(K. Μarx à F. Engels 31.07.1865). Une vie d'homme n'était pas
suffisante pour exposer la totalité de l'œuvre.
Celle-ci apparaît comme un produit de l'èspece: déjà des générations de marxistes se sont adonné à en développer la totalité.
7)
Eternίté du
capital.
Destruction de valeurs pour garantir la valeur en procès, le capital.
Le capital parvenu à
cette autonomie νa
maintenant prétendre à
l'éternité, à l'immortalité, dont i1 a
été question dans 1a Version
primitive
(p. 246). La
formule trinitaire «capital-profit (profit d'entrepreneur plus intérêt); terrain-rente foncière; travail-salaire» est
l'expression théorique vulgaire de cette autonomisation. Ce qui conduit parallélement les
bourgeois et leurs théoriciens à identifier une forme transitorire à la société dans son devenir, parce qu'ils ont devant eux le capital autonomisé qui se pose comme un absolu. «Ce caractère social déterminé par une
période historique donnée et qu'ils (les moyens de travail, n.d.r.)
possèdent dans le procès capitaliste de production, on en fait un caractère matériel, inné, qu'ils ont de par nature et pour ainsi dire de toute éternité, en leurs qualités d'éléments du procès
de
production»; (L.
III,
t. 8, p. 203).
a)
Les crises.
C'est
pourquoi une des tâches de la production dans son ensemble est de
garantir cette autonomie : «C'est un fondement de la production capitaliste que l'argent
en tant que forme autonome de la valeur affronte la marchandise, ou que la valeur d'échange
doive acquérir dans l'argent une forme autonome; et
ceci n'est possible que parce qu'une marchandise déterminée devient la matière de la valeur dans laquelle se mesurent toutes les marchandises, devenant par là-même la
marchandise générale, la marchandise par excéllence par opposition à toutes les autres (c'est ce qu'ont démontré la Version
primitive
et 1a Contribution, n.d.r.).
Ce
phénomène doit se manifester à un double point de vue, et surtout dans les nations à système capitaliste développé qui remplacent l'argent dans une grande proportion par des opérations de crédit et par de la
monnaie scripturale. En période de crise où se produit un resserrement ou une totale disparition du crédit, l'argent apparaît soudain absolument en face de la marchandise en tant que moyen de paiement unique et véritable existence de la
valeur. D'où la dévalorisation générale des marchandises, la difficulté et même
l'impossibilité de
les convertir en argent,
c'est-à-dire en leur forme purement phantastique. Mais deuxièmement, la monnaie de crédit elle-même n'est de
l'argent que dans la mesure où elle remplace
absolument l'argent réel pour le montant de sa valeur nominale. L'hémorragie d'or
rend problématiqque sa convertibilité en argent,
c'est-à-dire son identité avec de
l'or réel. D'où mesures de contraintes, relèvement du taux de
l'intérêt, etc. en vue d'assurer les conditions de
cette convertibilité. Une législation erronée, fondée sur des fausses théories de
l'argent et imposée à 1a nation par des financiers soucieux de
leurs intérêts, les Overstone et
consorts, peut pousser
les choses
plus ou moins à 1'extrême.
Mais
le fondement est donné
par le fondement du mode de production. Déprécier la monnaie de crédit (pour ne
pas parler d'une démonétisation
(Entgeldung) de
celle-ci, purement imaginaire du reste) ébranlerait tous
les rapports existants. Aussi la valeur des marchandises est-elle
sacrifiée pour garantir dans
l'argent l'existence phantastique et
autonome de cette valeur. Valeur monétaire,
elle
n'est du reste
garantie
que
tant
que l'argent est
garanti. Aussi faut-il pour sauver quelques
millions d'argent, sacrifier bien des millions
de marchandises. Ce phénomène est inévitable
en système capitaliste
de production et
en constitue une des beautés.
» (L. III,
t. 7, pp.
176-177).)
Nous avons
vu précedemment que pour assurer sa valorisation, le capital avait tendance
à limiter son développement dans
l'espace, seulement
la lutte
de classe
à l'échelle internationale l'a contraint à se développer
dans
des zones
de plus en plus vastes. C'est
le prolétariat qui
fut l'élément
fondamental
de
cette contrainte; le prolétariat
qui apparaît comme la vraie limite du mouvement d'autonomisation de la valeur capital. En
effet,
nous venons de voir l'aspect
objectif
de la crise;
voyons
maintenant son aspect
subjectif: celui qui touche
les producteurs: «Du reste,
c'est seulement dans le mode
de production capitaliste que doit absolument
s'accroître le nombre
des salariés, en dépit de leur diminution relative.
Pour
lui, des
forces de travail sont en excédent dés lors qu'il n'est plus indispensable de
les faire
travailler de douze
à quinze heures
par jour. Un développement des forces
productives qui réduirait le
nombre
absolu
des ouvriers, c'est-à-dire permettrait en
fait
à la nation toute entière de mener à bien en un
laps de
temps moindre sa production totale,
amènerait
une révolution
parce
qu'il mettrait la majorité de la population hors
du circuit [12]. Ici
encore apparaît la limite spécifique
du mode
de production
capitaliste, et on voit
bien
qu'elle n'est en aucune manière la forme
absolue
du développement des forces productives et
de la création de richesses;
mais au
contraire qu'elle
entre
en
conflit avec
eux à
un certain
point de son
évolution. On
a un aperçu partiel de
ce conflit dans les crises périodiques
qui résultent du fait qu'une
partie de la population ouvrière, tantôt celle-ci, tantôt une autre, se trouve superflue dans son ancienne branche d'activité. La limite de cette production, c'est
le temps excédentaire des ouvriers. L'excédent de temps absolu dont bénéficie la société ne l'intéresse nullement. Pour elle, le développement de la force productive n'est important que dans la mesure où il augmente le temps de
surtravail de la classe ouvrière et non pas où il diminue le temps de travail nécessaire
à la production matérielle en général, ainsi, elle se
meut dans des contradictions.»
(Livre III, t. 6, pp. 275-76).
Dans les crises,
les limites qui avaient été vainement estompées prennent un caractère infranchissable. Ainsi, «avec le développement du système de crédit, la production capitaliste cherche continuellement à lever cette barrière de
métal, cette barrière à la fois matérielle (dingliche) et fantastique de la richesse et du
mouvement de
celle-ci, mais revient toujours se buter la tête contre cette
barrière.»
(Livre III, t.
7, p. 234).
Au
cours
de la crise, tout le capital fictif s'effondre. Elle indique que la production capitaliste
n'est pas
arrivée à dominer la loi de la baisse tendancielle du taux de
profit, ou, ce qui revient
au même, que la crise
n'est qu'un moyen catastrophique pour surmonter cette contradiction. Elle est parvenue à dominer la loi sur la base de
laquelle elle s'est développée (loi de la valeur) mais elle ne parvient pas à s'assujettir celle qui la régit. C'est
pourquoi cette
loi de la baisse tendanceille du taux de profit
est "la plus importante
de
l'économie politique et elle est la plus essentielle lorsqu'il s'agit de comprendre les rapports les plus difficiles. Du point de vue historique, elle est aussi la loi la plus importante.
C'est une loi qui, malgré sa simplicité, n'a jamais été comprise jusqu'à ce jour et encore moins exprimée de façon consciente." (Fondement,
t.
2, p.
275).
b)
Les
guerres.
La crise révèle le caractère transitoire du mode de production capitaliste que son développement en période de prospérité avait
masqué et que les économistes
bourgeois avaient nié, chantant les louanges du Capital Éternel.
« …il
s'ensuit
ceci: la force productive déjà matériellement existante, déjà élaborée dans la forme du capital
fixe, comme la puissance scientifique, comme la population, etc,
bref toutes les conditions de la richesse, c'est-à-dire le riche développement de l'individu social; le développement des forces productives occasionné par le
capital dans son développement historique, tout cela supprime (aufhebt) l'autovalorisation du capital, au lieu de la poser. Au delà
d'un certain point, le développement des forces productives devient une barrière pour le capital; le rapport capitaliste devient une barrière pour le développement des forces productives du travail. Arrivé à ce point le capital,
c'est-à-dire le travail salarié, entre dans le même rapport vis-à-vis du développement de la richesse sociale et des
forces productives que les corporations, le
servage, l'esclavage et, en tant qu'entrave, on doit s'en débarasser. L'activité humaine doit se dépouiller de la dernière forme de servitude dont elle est revêtue: le travail salarié d'un
côté, le capital de
l'autre. Ce dépouillement (Abhäutung) même est le résultat du mode de production correspondant au capital. Les conditions matérielles
et spirituelles de la
négation du travail salarié et du capital qui,
eux-mêmes, étaient déjà la négation de formes antérieures de production sociale non-libres, sont le résultat même de son procès de production. Dans des contradictions tranchantes, des crises, des
convulsions s'exprime l'inadéquation croissante du développement productif de 1a société sur la base des rapports
existant jusqu'alors. La destruction violente de capital,
non à cause de rapports qui
lui seraient extérieurs, mais comme la
condition de son autoconservation (ce qui été vu précédemment, n.d.r.)
telle
est la forme la plus frappante de l'avertissement qui lui est donné qu'il doit disparaître et laisser la place à un stade de production sociale plus élévé.
Ce n'est pas seulement l'accroissement de la puissance
scientifique, mais la mesure où elle est déjà posée comme capital fixe, le volume,
l'ampleur où elle est réalisée et
s'est emparée de 1a
totalité de la production. Ιl
en est de même du développement de la production, etc...
bref, de tous les éléments de la production étant donné que la force productive du travail de même que l'application de la machinerie sont en rapport à la population dont
l'accroissement en soi et pour soi est déjà la présupposition comme le résultat de
l'accroissement des
valeurs d'usage
à reproduire et donc à consommer
[13].
Comme
cette diminution du profit équivaut à la
diminution proportionnelle du travail immédiat
à la grandeur de travail objectivé qu'il reproduit et
pose à nouveau, le capital tentera tout
pour contrarier la petitesse
du rapport entre
le travail vivant et la grandeur du capital en général, et donc
aussi
de la plus-value, si elle
est exprimée
en profit [14] vis-à-vis
du capital
avancé en réduisant la part
faite au
travail nécessaire
et en augmentant encore davantage la
quantité de surtravail par
rapport à l'ensemble du travail employé. Ainsi le
trés
grand
développement de la puissance de production -
avec
en même
temps une très grande
extension de la richesse existante -
coïncidera avec la dévalorisation
du capital,
la dégradation du travailleur,
et un épuisement accru
de ses puissances vitales. Ces contradictions
conduisent à des explosions,
cataclysmes, crises, au cours desquelles grâce
à des suppressions momentanées du travail
et la destruction d'une grande
partie
du capital,
ce dernier est
violemment réduit
jusqu'au point où il
peut
rédémarrer (les
guerres
de 1914-18, 1939-45 et la crise
de
1929 ne sont-elles pas
décrites ici?
n.d.r.), où
il est
à même
d'employer
sa puissance productive sans se
suicider. Néanmoins, ces catastrophes réguliérement
récurrentes conduisent
à leur répétition
à une
échelle plus grande et
finalement, à son
renversement
violent (1975? n.d.r.). Ι1
y a, au
sein du
mouvement développé du capital,
des moments autres que
les crises
qui freinent ce
mouvement. Ainsi, par
exemple, la constante
dévalorisation d'une partie
du capital
existant, la transformation
d'une grande partie du capital
en
capital fixe qui ne sert pas en
tant qu'agent
de la production directe,
le gaspillage improductif
d'une large
portion de capital, etc. » (Fondements, t.
2, pp.
276-78).
Voici bien la contradiction la plus criante du mode de production capitaliste: il ne peut y avoir valorisation
qu'au travers
de la destruction, du gaspillage
de la valeur existante. Nous
avons
déjà fait
remarquer ce caractère du
capitalisme[15]
et nous
avons
montré qu'originellement, il diminue le gaspillage
social pour le
porter, lorsqu'il est
parvenu à son
stade sénile,
à un degré
jamais
atteint.
D'autre
part, ce
gaspillage
montre la nécessité du communisme et son existence dans la société actuelle.
Dans le
chapitre: Développement des contradictions internes de la loi,
K. Μarx explique cela de façon plus concise: «Pour lui
donner une expression
tout à fait générale,
voici
en quoi
consiste la contradiction: le
système
de production capitaliste implique une tendance à un développement absolu
des forces productives,
sans tenir compte de la valeur et de la plus-value que
cette dernière recèle, ni non plus des rapports sociaux dans
le cadre
desquels
a lieu la production capitaliste tandis que, par ailleurs, le système a pour but la
conservation de la valeur-capital existante et sa
valorisation au degré
maximum (c'est-à-dire
un accroissement sans
cesse accéléré de cette valeur). Son
caractère spécίfique est
fondé sur la valeur
capital
existante considérée comme
moyen
de
valoriser au maximum cette valeur. Les
méthodes par
lesquelles la production capitaliste
atteint
ce but impliquent: diminution du
taux de profit, dévalorisation du capital
existant et développement
de forces
productives du travail aux
dépens
de celles
qui ont déjà été
produites.» (Livre
ΙΙΙ, t. 6, p. 262).
K. Marx s'exprime ici de la même façon que dans la Version Primitive et dans le VIème Chapitre. Le point central est bien: les contradictions qu'impliquent la valorisation du capital, la valeur en procès. Nous n'indiquons ici que les conséquences du mouvement d'autonomisation de la valeur dont le stade final est le capital. La contradiction valorisation-dévalorisation nécessiterait une étude approfondie; nous n'en exposons que les lignes dorsales nécessaires à notre démonstration. Les données se trouvent dans toutel l'œuvre, mais c'est dans les Grundrisse qu'elle a été le mieux étudiée. Cependant, dans le Capital nous trouvons des passages qui éclairent magnifiquement le point ultime atteint par le devenir de la valeur: «La véritable barrière de la production capitaliste, c'est le capital lui-même. Ι1 en est ainsi parce que le capital et son auto-valorisation apparaissent comme point de départ et comme point final, mobile et but de la production; que la production n'est qu'une production pour le capital et non l'inverse car les moyens de production ne sont pas de simples moyens de donner forme, en l'élargissant sans cesse, au processus de la vie au bénéfice de la société des producteurs. Les limites qui servent de cadre infranchissable à la conservation et à la valorisation de la valeur-capital reposent sur l'expropriation et l'appauvrissement de la grande masse des producteurs; elles entrent donc sans cesse en contradiction avec les méthodes de production que le capital doit employer nécessairement pour sa propre fin, et qui tendent à promouvoir un accroissement illimité de la production, un développement inconditionné des forces productives sociales du travail, à faire de la production une fin en soi. Le moyen - développement inconditionné de la productivité sociale - entre perpétuellement en conflit avec la fin limitée: valorisation du capital existant. » (L. III, t. 6, p. 263).
Ceci est l'aspect objectif du phénomène autonomisé, le capital. Mais, nous l'avons vu, la valorisation de celui-ci ne peut se faire que s'il y a échange entre travail mort et travail vivant. De ce fait, nous pouvons analyser le même phénomène, mais au point de vue subjectif, du point de vue de celui qui permet la valorisation: le prolétariat. «La valeur de la marchandise est déterminée par le temps de travail total, passé et vivant, qu'elle absorbe. L'augmentation de la productivité du travail réside précisément en ceci que la part du travail vivant est réduite et que celle du travail passé augmente, mais de telle sorte que la somme totale de travail contenu dans la marchandise diminue; autrement dit, le travail vivant diminue plus que n'augmente le travail passé. Le travail passé incorporé (verkörperte) dans la valeur d'une marchandise - la portion de capital constant - se compose pour une part de l'usure du capital constant fixe, pour l'autre de capital constant circulant: matières premières et auxiliaires, absorbées en totalité dans la marchandise». (L. III, t. 6, p. 273).
C'est
pourquoi nous pouvons dire que la limite réelle
du capital c'est le prolétariat. Le capital cherche à s'affranchir de celui-ci en le soumettant à sa puissance, en développant démesurément la productivité du travail; ce qui signifie accroître la puissance du travail mort, passé, de façon que diminue d'une manière vertigineuse la part du travail incorporée au procès de production. Plus il s'accroît en produisant abondamment (il tente par là de couper toute dépendance vis-à-vis de son
antagoniste), et plus i1
prépare
le moment violent où se vérifiera son lien étroit au travail, sa dépendance vis-à-vis de celui-ci: c'est la crise dont il a été question dans 1a citation des Grundrisse. Á ce moment-là, il y a réajustement de l'économie et les titres et l'or, signes de propriété sur le travail d'autrui